Dans une semaine exactement, le dimanche 9
novembre, les électeurs catalans pourront se rendre dans la plupart des
mairies de leur région pour « voter. » Sur les bulletins, ils devront
répondre à une ou deux de ces questions : la Catalogne doit-elle devenir
un Etat ? Et si oui, cet Etat doit-il être indépendant ? Ce
« référendum » n'aura cependant aucune valeur légale, il ne s'agit que
d'une consultation indicative et symbolique.
Pourquoi le vote a lieu
Le
14 octobre en effet, le président de la Generalitat, le gouvernement
régional de Catalogne, Artur Mas, a suspendu son décret de convocation
du référendum du 9 novembre qui était quasi-assuré d'être censuré par
le Tribunal Constitutionnel (TC) espagnol. Mais il avait maintenu le
vote du 9 novembre devenu très symbolique en Catalogne. C'était aussi un
moyen, en cas de forte mobilisation de l'électorat catalan, d'exercer
une forte pression sur Madrid pour contraindre le gouvernement Rajoy à
négocier. C'était enfin, dans la perspective de futures élections
« plébiscitaires », autrement dit centrées sur la question de
l'indépendance, un moyen de tester l'opinion publique régionale.
Vraie consultation
Car
ce référendum « symbolique » aura toutes les caractéristiques d'une
vraie consultation. Les municipalités ont largement décidé de jouer le
jeu en ouvrant les bureaux de vote. Selon les derniers chiffres connus
et r
apportés par le quotidien El Periodico, 638 des 647 mairies de la région ouvriront un bureau de vote pendant deux semaines.
Ceci devrait permettre à la quasi-totalité des Catalans de s'exprimer
s'ils le désirent. Il faudra effectivement attendre les chiffres de
participation, mais toutes les conditions sont remplies pour rendre ce
vote du 9 novembre représentatif.
Recours de Madrid
D'où
l'inquiétude de Madrid qui croyait à tort le 14 octobre avoir maté la
révolte catalane. Du coup, le président du gouvernement espagnol,
Mariano Rajoy a décidé de porter la question de ce vote « symbolique » devant le Tribunal Constitutionnel espagnol pour
« protéger l'état de droit et la démocratie. » Plus que jamais, le TC
semble bel et bien le meilleur allié du gouvernement de Madrid dans sa
stratégie - bien peu réussie pour le moment - d'endiguement du mouvement
indépendantiste catalan.
Que fera le TC ?
Le
TC - qui s'est toujours montré très ferme face aux revendications
catalanes - décidera-t-il de bloquer le vote symbolique comme il aurait
sans doute interdit le vote « officiel » ? Sur quels critères ? Et
comment les Catalans réagiront-ils à une telle interdiction ? Artur Mas
est très légaliste, mais ce n'est pas le cas de tous les nationalistes
catalans. Si certains décident d'organiser un vote, malgré une
interdiction du TC, que se passera-t-il ? Le gouvernement espagnol
aura-t-il recours à la force pour l'interdire ? C'est peu probable car
ce serait faire basculer la question catalane sur un chemin difficile.
Le pari de Mariano Rajoy est que les Catalans ne feront rien d'illégal
et qu'il peut continuer à s'appuyer sur le TC pour bloquer toute avancée
vers l'indépendance.
Le pari risqué de Mariano Rajoy
Le
pari semble pourtant risqué. Cette stratégie continue à dresser les
Catalans contre le gouvernement de Madrid et renforce in fine le camp
indépendantiste, notamment ceux qui comme la Gauche Républicaine
(Esquerra Republicana, ERC), défendent l'idée d'une déclaration
unilatérale d'indépendance. Puisqu'il est impossible de négocier avec
Madrid, le seul langage possible devient celui du rapport de force, donc
de la rupture de fait. Une stratégie risquée, là aussi, mais logique et
qui recueille de plus en plus d'adhésion en Catalogne. ERC est déjà
devenu lors des élections européennes du 25 mai dernier le premier parti
de la région. En affaiblissant Artur Mas en jouant sur son légalisme,
Mariano Rajoy renforce mécaniquement le camp de la rupture.
La réponse des indépendantistes : pas de partage de la dette sans dialogue
Du reste, les nationalistes haussent le ton.
Le leader d'ERC, Oriol Junqueras, a déjà prévenu que si Madrid refusait de discuter,
la Catalogne indépendante refuserait de participer au partage de la
dette publique espagnole. Compte tenu du poids de cette dernière, Oriol
Junqueras sait ce qu'il fait : il instille le doute dans l'esprit des
investisseurs quant à la soutenabilité de la dette espagnole en cas
d'indépendance de la Catalogne. Avec une dette publique de 100 % du PIB,
l'Espagne ne peut se permettre de conserver la même dette avec un PIB
amputé des 17 % que représentent la Catalogne. Le leader d'ERC espère
que les marchés prendront peur et feront pression sur Mariano Rajoy pour
qu'il modifie sa stratégie. C'est cependant peu probable dans la mesure
où le président du gouvernement espagnol joue gros sur cette affaire :
il lui faut montrer à son électorat traditionnellement très unioniste sa
détermination dans un contexte marqué par des scandales de corruption
au sein de son parti, le PP, et par la montée du parti Podemos.
Situation de plus en plus tendue
La
situation est donc désormais de plus en plus tendue : Madrid et
Barcelone s'éloignent de plus en plus. Le refus du gouvernement espagnol
de laisser les Catalans s'exprimer le 9 novembre pourrait venir
renforcer le camp indépendantiste lors des prochaines élections
régionales et conduire à une proclamation unilatérale d'indépendance. On
entrerait alors pour l'Espagne et l'Europe dans une zone sombre et
incertaine. Plus que jamais la question catalane doit faire l'objet d'un
dialogue plus que d'une stratégie de la tension que semble privilégier
Mariano Rajoy.
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